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MICHAEL IN LE MONDE!

Le Monde features our man Michael Stipe in their online edition today. Get your translators ready or brush off those dusty dictionaries, unless of course you can read the following:

Michael Stipe, un rocker en campagne

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LE MONDE | 01.10.04 | 15h10  •  MIS A JOUR LE 01.10.04 | 15h53

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Le chanteur du groupe R.E.M., qui publie son treizième album, va sillonner les Etats-Unis avec une quinzaine d’autres rock stars pour soutenir John Kerry, candidat démocrate à l’élection présidentielle.

Pin’s “Vote Kerry” à la boutonnière, Michael Stipe s’affiche rocker en campagne. Celle de promotion pour Around the Sun, treizième album du groupe R.E.M. dont il est le leader depuis près d’un quart de siècle, se confond avec celle de soutien au candidat démocrate à l’élection présidentielle américaine. OAS_AD(‘Middle’); L’air grave du chanteur s’inquiète-t-il d’ailleurs de l’accueil fait à son nouveau disque ou de l’écart défavorable qui sépare John Kerry de George Bush dans les récents sondages ? “Je ne fais pas plus confiance aux sondages qu’aux médias, affirme Stipe, surtout quand il s’agit des chaînes de télévision américaines. Evidemment, ces sondages m’inquiètent. Mais nous ferons tout pour soutenir le candidat qui a l’intelligence et l’expérience pour nous sortir de là.”

Michael Stipe ne restera en effet pas inactif. A partir du 1er octobre et d’un concert inaugural à Philadelphie, son groupe rejoindra une quinzaine d’autres rock stars (parmi lesquelles Bruce Springsteen, John Fogerty, Jurassic 5, le Dave Matthews Band, Tracy Chapman, Pearl Jam) pour sillonner les Etats-Unis dans le cadre de l’opération “Vote for Change” – “Votez pour le changement” (Le Monde du 11 août), destiné à faire pencher la balance des indécis en faveur de John Kerry.

“Le but n’est pas de donner des concerts à New York ou Los Angeles, précise le chanteur, mais de se concentrer sur des Etats comme le Michigan, la Pennsylvanie, l’Iowa ou la Caroline du Nord, dans lesquels peut se jouer l’élection. Il faut mobiliser, faire prendre conscience que des gens sont morts pour le droit de vote. Une grande partie de la population est persuadée que les politiciens sont interchangeables, qu’ils n’ont pas d’effet sur la vie quotidienne, la communauté, le pays. Ces quatre dernières années devraient au contraire les convaincre de l’impact d’un gouvernement. Espérons cette fois que les élections ne seront pas truquées.”

Formé dans les années Reagan par Michael Stipe, Peter Buck (guitare), Mike Mills (basse) et Bill Berry (batterie), ce groupe originaire d’Athens (Géorgie) a imposé sa singularité avec quelques-uns des albums fondateurs – Murmur, Reckoning, Document – du rock alternatif américain. A ses débuts, le charisme de Michael Stipe semblait replié sur lui-même. D’énigmatiques mélopées s’échappaient de ce corps frêle à l’intensité autiste, baignées d’une musique assumant ses racines folk et country, dopée par l’énergie punk, troublée par l’existentialisme de la new wave.

Le triomphe viendra dans les années Bush Senior. Michael Stipe épanouit enfin ses désirs de séduction. R.E.M. sort alors ses plus beaux albums – Out of Time, Automatic for the People – et ses plus gros tubes – Losing my Religion, Everybody Hurts, Man on the Moon. Sa popularité, surtout, se double d’un respect qui salue la rigueur artistique du groupe et son influence prépondérante sur toute une nouvelle génération de musiciens. Stipe devient ainsi le parrain admiré de Kurt Cobain, chanteur de Nirvana, de Thom Yorke, chanteur de Radiohead, ou de PJ Harvey, comme il avait pu être lui-même le “filleul” de son idole Patti Smith. Publié en 1975, le premier album de celle-ci (Horses) révélera sa destinée rock à ce jeune homme issu d’une famille de militaires. “Patti m’a initié à la musique, à la poésie, à l’art moderne, insiste aujourd’hui le chanteur. Son disque m’a fait comprendre que j’étais, moi aussi, un exclu, séparé des autres, mais que ma force était d’avoir quelque chose que ces autres n’avaient pas.”

LES NUAGES NOIRS DU 11-SEPTEMBRE

Passionné de politique, Michael Stipe s’engagera régulièrement pour quelques grandes causes : abolition de la peine de mort, droit à l’avortement, annulation de la dette des pays pauvres, problèmes d’environnement. Mais aux tribunes internationales qui conviennent à son grand ami Bono, chanteur de U2, Stipe préfère une implication locale dans sa ville d’Athens. “J’essaie de soutenir les candidats les plus progressistes, d’aider la création de foyers pour femmes battues ou pour sans-logis, d’insister sur l’écologie. Je me préoccupe surtout d’éducation et de problèmes sanitaires. Je fais des petites choses simples. Je ne suis pas Mère Teresa. D’autres consacrent à cela soixante heures par semaine. Ce sont eux, les vrais héros.”

Pendant l’ère Clinton, R.E.M. connaîtra un tassement de sa popularité, correspondant à la défection de son batteur parti à la retraite après une rupture d’anévrisme. Michael Stipe passe alors plus de temps à produire des films (Velvet Goldmine, Dans la peau de John Malkovich), via sa société Single Cell, ou à éditer des livres de photos, qu’à monter sur scène.

Quatre mois avant le 11 septembre 2001, R.E.M. publiait Reveal, album à l’humeur pop estivale. Trois ans plus tard, le soleil de Around the Sun semble voilé par les nuages noirs du World Trade Center. Des chansons comme la très belle Leaving New York ou comme Final Straw (mise en ligne sur le site du groupe quelques jours avant le début de la guerre en Irak), des textes comme The Day The Music Stopped (” Le jour où la musique s’est arrêtée”) ou “Jesus loves me fine/But his words fall flat this time” (“Jésus m’aime bien/mais cette fois ses mots tombent à plat”) sont chargés des traumatismes qui se sont depuis succédé.

“Je partage mon temps entre Athens et New York, explique Michael Stipe. J’étais à Manhattan, le 11 septembre, mais je me souviens très mal de cette journée, comme si mon esprit avait occulté ces moments pour me protéger. Quelques jours après, je me suis dit que ce drame pourrait être l’occasion d’une réflexion globale. Le gouvernement a gâché cette opportunité et exploité de la pire façon la peur, le deuil, l’immense perte d’innocence de l’Amérique.”

Doit-on voir, dans cette virulence anti-Bush, l’opportunisme d’un groupe cherchant à reconquérir ses fans ? Selon Michael Stipe, il s’agit au contraire, avant tout, de profiter de la sortie du disque pour parler de politique, les risques n’étant par ailleurs pas négligeables de braquer une partie du public. Dans le climat de polarisation exacerbée de l’opinion américaine, des artistes comme les Dixie Chicks ou Linda Ronstadt ont déjà fait les frais (concerts annulés, chute des ventes de disques) de leurs déclarations pacifistes. Comme le rappelait récemment Peter Buck, le guitariste de R.E.M. : “N’oublions pas que ClearChannel possède la plupart des stations de radio aux Etats-Unis – ClearChannel est aussi le principal producteur de tournées internationales – et supporte très fortement George Bush. Cette société avait d’ailleurs organisé des manifestations contre les Dixie Chicks. Je ne crois pas que cela aidera notre carrière en Amérique.”

Les concerts Vote for Change convaincront-ils d’autres électeurs que les convertis ? “Une armada de journalistes suivra cet événement, se rassure Michael Stipe, c’est cette couverture média qui peut motiver du monde.” Le défouloir ne sera pas pour autant recommandé. “Bruce Springsteen nous a conseillé de jouer sans étaler notre colère et nos frustrations. Il faut promouvoir une image positive de cette campagne et faire élire John Kerry.”

Le rock, combien de divisions ?

Stéphane Davet

R.E.M., Around the Sun, 1 CD Warner Bros Records.

Biographie

1960
Naissance à Decatur, Géorgie.

1980
Formation du groupe R.E.M.

1983
“Murmur”, premier album de R.E.M.

1997
Départ du batteur Bill Berry.

2004
“Around the Sun” et tournée “Vote for Change”.

John Kerry, le bassiste peu électrisant des Electras

“Incroyable ! Génial ! Peter Buck n’en croira pas ses yeux !” Michael Stipe n’en revient pas quand on lui glisse sous le nez la pochette du disque des Electras. A la basse, le grand dadais au menton en galoche et à la mèche plaquée n’est autre que John Kerry, candidat démocrate à l’élection présidentielle américaine, soutenu par le leader de R.E.M. Le chanteur ignorait que le politicien avait aussi été un confrère.

A l’instar du guitariste Tony Blair, du saxophoniste Bill Clinton, le challenger démocrate a caressé dans sa jeunesse des rêves de rock’n’roll. En 1961, à 19 ans, John Kerry s’achète une basse et forme avec d’autres étudiants de la prestigieuse école Saint Paul du New Hampshire un groupe baptisé The Electras. Le sextet animera les fêtes des écoles du quartier, histoire de draguer et de s’étourdir raisonnablement de décibels. Le groupe enregistre un de ces concerts, envoie les bandes à RCA et fait presser un disque à quelques centaines d’exemplaires. Les Electras se sépareront sans laisser de trace, jusqu’à ce qu’un collectionneur de raretés exhume récemment l’objet. Réédité en CD, disponible sur Internet (www.theelectrasrockandrollband.com), l’album compile treize titres, essentiellement des instrumentaux, repris des groupes surf de l’époque. Dans cet ensemble d’un amateurisme guère éclairé (une version pitoyable de Summertime Blues, d’Eddie Cochran et Jerry Capehart), John Kerry (à gauche sur la photo) se montre un bassiste incapable d’imposer un groove. Sur les notes des pochettes, on annonce une reformation probable du groupe avant novembre. Lucide, Kerry a fait savoir qu’il en doutait sérieusement.

• ARTICLE PARU DANS L’EDITION DU 02.10.04